Les mauvais jours finiront, et gare à la revanche quand tou·te·s les pauvres s’y mettront
En cette période de confinement, nous avions décidé il y a quelques semaines de reporter la grande manifestation révolutionnaire au mois de juillet prochain, afin de pouvoir garantir les meilleures conditions de sécurité possibles pour un rassemblement de cette ampleur.
Pour autant, il n’a jamais été question pour les organisations révolutionnaires -membres ou non de notre Alliance- de se retrouver réduites à l’impuissance, chassées de la rue par les mesures d’exception. Depuis le début de l’année et l’émergence de la pandémie de Covid-19 en Europe, l’État a démontré sa faiblesse et son incapacité totale à assurer la sécurité de la population. La saga des masques (telle qu’elle existe dans bien d’autres pays capitalistes que la Belgique) n’est qu’un exemple. Quelle confiance devrions-nous accorder aux mesures du confinement telles qu’elles sont appliquées par ce gouvernement ? Ce gouvernement qui a déconseillé le port du masque dès les premiers jours de la crise pour justifier la pénurie, qui force des milliers de travailleuses et travailleurs jugé·e·s « essentiel·le·s » à poursuivre le travail dans des conditions sanitaires déplorables, dont la police distribue des amendes et commet des exactions dans les quartiers populaires tandis qu’elle escorte des DJs et esquisse des pas de danse dans les quartiers bourgeois, ce gouvernement qui dépense des milliards pour acheter des avions de chasse et qui laisse un hôpital public organiser un « crowdfunding » pour se payer des respirateurs.
Nous ne pouvions rester les bras croisés sous prétexte de respecter un confinement hypocrite qui ne protège que les plus riches. Plusieurs rassemblements ont brièvement réuni des militant·e·s à plusieurs endroits, les précautions sanitaires ont été pensées dès le début, en prévoyant un nombre limité de manifestant·e·s par rassemblement, des distances sociales de sécurité, des masques et des gants. Les précautions sanitaires comptaient malheureusement parmi les derniers soucis de la police, qui a nassé un rassemblement au croisement de la Rue Defnet et de la Rue Monténégro à Saint-Gilles, rendant impossible toute distanciation sociale entre les manifestant·e·s et les policiers d’ailleurs non-masqués malgré des stocks apparents de masques FFP3 tant dans les véhicules que dans le commissariat “Démosthène” où les personnes arrêtées ont toutes été détenues jusqu’à être relâchées vers 20h30.
À 14h, la petite dizaine de personnes rassemblée devant le magasin Colruyt de Forest depuis moins d’une minute était poursuivie par une patrouilleuse qui arrêtera deux d’entre eux. Au Parvis de Saint-Gilles, trois personnes qui étaient venues se renseigner sur le lieu de détention de leur ami sont arrêtées au prétexte d’avoir « tenté d’attaquer le commissariat ». Toujours à la même heure, c’est un rassemblement de solidarité avec les prisonnier·e·s qui est assailli par la police près devant la Prison de Saint-Gilles. En tout, pour avoir « brisé le confinement » et « perturbé la tranquillité publique », au moins 21 personnes (et non 24 comme annoncé précédemment) ont été arrêtées et entassées dans deux cellules du commissariat “Démosthène” à Anderlecht, dans le mépris des règles sanitaires les plus élémentaires.
La répression avait commencé avant, puisqu’il y a eu des tentatives d’espionnage et d’intimidation de la part de la police. De nombreuses patrouilleuses sillonnaient toutes les communes de la Zone Midi (Forest, Anderlecht, Saint-Gilles) dès le matin afin d’empêcher toute tentative de manifester. Des amendes pour « bris de confinement » ont été distribuées à tour de bras à plusieurs endroits.
Parmi les actions qui ont eu lieu ce 1er Mai, à l’initiative de groupes membres ou non de notre Alliance : (toutes les actions ont été organisées en respectant les distanciations sociales, port de masques et de gants ; toutes les personnes interpellées et contrôlées sont maintenant sous la menace d’une amende confinement et/ou d’une Sanction Administrative Communale) :
- Dans la nuit précédant le 1er Mai, des groupes anarchistes et féministes ont collé des affiches dans la région bruxelloise ;
- Des banderoles anarchistes ont été accrochées à Leuven ;
- La gauche révolutionnaire turque a organisé des rassemblements à Liège et à Anvers (11 contrôlé·e·s) ;
- À Wavre une banderole a été accrochée sur la Maison Communale ;
- Devant la Prison de Saint-Gilles une trentaine de personnes se sont rassemblées en solidarité avec les prisonnier·e·s (9 arrestations) ;
- Place Poelaert, trois militantes de La Fronde tentent de déployer une banderolle mais sont interrompues par la police qui interroge pendant 30 minutes et confisquent leur matériel ;
- Au Colruyt de Forest, une dizaine de manifestant-es déploie une banderole « Infirmièr·e·s, caissier·e·s, surexposé·e·s, sous-payé·e·s. Leur Fric Nos Morts », devant ce magasin où un employé est récemment décédé du COVID-19. (2 arrestations) ;
- Devant la résidence de l’Ambassadeur de Turquie, une dizaine de manifestant·e·s se rassemble et déploie des banderoles « À bas le régime fasciste turc, les mauvais jours finiront » et « Fight 4 Rojava » ;
- Devant le dépôt de trams de la Stib entre Forest et Saint-Gilles, une dizaine de personnes se rassemblent et déploient des banderoles « Grève des loyers, les mauvais jours finiront », « Vive le 1er Mai Révolutionnaire » et « Les prolétaires n’ont que leur chaines à perdre et un monde à gagner » ;
- Des bombages ont été réalisés à Anderlecht et Forest : « COVID-19 Faisons payer les riches », « Justice pour Adil », « Solidarité avec les soignantes », etc ;
- Quelques dizaines de personnes se sont rassemblées devant la « Place des Trois Bancs » à Saint-Gilles (en face du Steki et de la Vieille Chechette) avant d’être nassées, au moins un camarade sans-papier a été arrêté ;
- Peu après, des personnes à qui une policière avait déclaré que la personne arrêtée devant le Steki était détenue au commissariat du Parvis, y sont immédiatement arrêté·e·s en y cherchant renseignement ;
- À Bruxelles : trois militantes du SKB (Union des Femmes Socialistes) ont tenté de manifester Place Bethléem avant d’être immédiatement contrôlées ;
Face à un État qui ne laissera aucune forme de résistance s’exprimer dans la rue, qui considère qu’il est plus tolérable de mettre en danger les travailleuses et travailleurs désigné·e·s comme « essentiel·le·s », que de laisser la moindre forme de critique exister au-delà des balcons (et encore puisque la police est intervenue pour des banderoles dénonçant le meurtre de Adil), notre devise « Organisons le camp révolutionnaire » est plus que jamais d’actualité.
Au-delà des mesures « exceptionnelles » du confinement, la répression de ce 1er Mai est aussi dans la droite lignée d’une tendance lourde de la répression à barrer l’accès à la rue aux organisations révolutionnaires. Nous sommes conscient·e·s du fait que l’État et la police n’ont aucune intention d’infléchir cette tendance.
Toutes les personnes qui ont été contrôlées, arrêtées, amendées ou réprimées lors de ce 1er Mai sont invitées à se faire connaître via la Legal Team du Secours Rouge afin d’envisager des contestations ou des démarches solidaires dans l’avenir.
Rendez-vous très bientôt pour la manifestation révolutionnaire de juillet qui fera suite au report de la manifestation initialement prévue le 1er Mai.
Alliance du 1er Mai Révolutionnaire, 3 mai 2020.